Amérique latine et Caraïbes : l'OIT juge urgent d'aborder la dimension sociale des migrations
Au cours des cinq dernières années, le nombre de travailleurs immigrés vivant en Amérique latine et dans les Caraïbes est passé de 3,2 à 4,3 millions, tandis que beaucoup d'autres empruntaient les axes migratoires vers d'autres régions; cela se traduit par des défis et des opportunités à prendre en compte de toute urgence, conclut un nouveau rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT).
Les Latino-américains utilisent les axes migratoires pour se rendre dans d'autres régions. Aux Etats-Unis, sur un total de 45 millions de migrants, 21 millions sont originaires d'Amérique latine. En Espagne, 1 étranger sur 3 vient d'Amérique du Sud, selon des sources citées par le rapport.
L'étude de l'OIT, «Migrations de main-d'œuvre en Amérique latine et dans les Caraïbes», identifie un système complexe de 11 grands axes de mobilité des travailleurs et les analyse: neuf d'entre eux sont des axes Sud-Sud, reliant des pays de la région, et 2 sont des axes Sud-Nord, extrarégionaux, avec les Etats-Unis et l'Espagne pour destinations.
Selon le rapport, ces axes évoluent en permanence en raison des changements dans l'interdépendance économique et sur les marchés du travail, et se développent en termes de volume, de dynamisme et de complexité.
« La recherche de nouveaux débouchés professionnels est à coup sûr la principale motivation des migrants. Néanmoins, les politiques migratoires relèvent souvent du paradigme du contrôle des frontières et de la sécurité nationale et ne prennent pas en compte la dimension sociale», a déclaré le Directeur régional de l'OIT, José Manuel Salazar, à l'occasion du lancement du rapport dans la capitale mexicaine.
En outre, dans ces pays, «il existe un divorce net entre les politiques d'emploi et les politiques relatives aux migrations de main-d'œuvre et il est maintenant urgent qu'elles deviennent complémentaires», a rappelé M. Salazar.
Sur 232 millions de migrants dans le monde en 2015, 150 millions (64%) sont des travailleurs migrants, selon les données mondiales de l'OIT. Vingt-sept pour cent (environ 41 millions) d'entre eux vivent en Amérique –; 37 millions en Amérique du Nord et 4,3 millions en Amérique latine et dans les Caraïbes.
Selon M. Salazar, l'OIT recommande de s'occuper rapidement et correctement des migrations de main-d'œuvre, en instaurant de bons mécanismes gouvernance, adaptés aux exigences et à la dynamique du monde du travail. « Si nous sommes capables de gérer les migrations de main-d'œuvre, nous pourrons maintenir et amplifier la croissance économique inclusive dans les pays de destination et réduire la pauvreté dans les pays d'origine », a-t-il dit.
Le nouveau rapport de l'OIT identifie plusieurs caractéristiques communes : la féminisation des migrations de main-d'œuvre (les femmes représentant plus de 50% des migrants); la forte proportion de travailleurs migrants illégaux, le faible accès à la protection sociale; et des conditions de travail souvent défaillantes et le fait qu'un grand nombre de ces travailleurs sont victimes de pratiques abusives, d'exploitation et de discrimination.
Le rapport montre qu'il existe des lacunes et une fragmentation des accords migratoires régionaux, que la perspective sociale et celle des droits sont peu présentes dans les institutions et la gestion des migrations et que la cohérence entre les politiques migratoires et les politiques d'emploi fait défaut.
Le document affirme que les acteurs du monde du travail, y compris les ministères du travail et les organisations d'employeurs et de travailleurs, doivent participer de manière plus active à l'élaboration de stratégies migratoires. Il avertit aussi que les travailleurs immigrés ne participent pas suffisamment aux processus de syndicalisation et de négociation collective.
Les principales pistes de travail et d'action préconisées par l'OIT pour l'Amérique latine et les Caraïbes sont les suivantes : promouvoir des migrations régulières, sûres et équitables; promouvoir des processus de recrutement fiables; améliorer les conditions de travail et la régularisation des travailleurs immigrés; promouvoir une meilleure gouvernabilité des migrations et établir un dialogue social plus solide; adopter une approche fondée sur les droits pour traiter des migrations; renforcer les liens entre les politiques d'emploi et celles relatives aux migrations des travailleurs; promouvoir l'égalité hommes-femmes, la protection des enfants de migrants et prévenir le travail des enfants immigrés; sensibiliser à la contribution des travailleurs migrants au développement.