Journée des réfugiés : l'ONU lance un appel à la solidarité collective
A l'occasion de la Journée mondiale des réfugiés, célébrée chaque année 20 juin, des hauts responsables des Nations Unies ont appelé lundi la communauté internationale à agir collectivement et dans un esprit de solidarité face aux dizaines de millions de personnes déracinées dans le monde.
Une situation sans précédent
« Les déplacements forcés ont atteint des niveaux sans précédent », a déclaré le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, dans un message rendu public pour la Journée.
Selon le rapport statistique annuel du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) sur les Tendances mondiales, pour la première fois dans l'histoire, le seuil des 60 millions de déplacements forcés a été franchi. Cette étude, qui se base sur des données statistiques transmises par les gouvernements et les organisations partenaires du HCR, indique en effet qu'environ 65,3 millions de personnes étaient déracinées à la fin 2015, par rapport à 59,5 millions en 2014.
« Les conflits nouveaux et récurrents, et des formes de plus en plus inquiétantes de violence et de persécution, conduisent les gens à fuir en quête de sécurité dans leur propre pays ou à franchir les frontières internationales en tant que demandeurs d'asile ou réfugiés », a expliqué M. Ban.
Selon le rapport du HCR, sur les 65,3 millions de personnes déracinées, 21,3 millions sont des réfugiés (1,8 million de plus qu'en 2014), 3,2 millions sont des demandeurs d'asile dans les pays industrialisés en attente d'une décision et 40,8 millions de personnes sont déplacées à l'intérieur de leur propre pays (2,6 millions de plus qu'en 2014, soit le plus grand nombre jamais enregistré).
La complexité et la nature prolongée des conflits à l'origine de cette évolution
« La Journée mondiale des réfugiés est l'occasion de faire le bilan de l'impact dévastateur de la guerre et de la persécution sur la vie de ceux qui sont contraints de fuir, et d'honorer leur courage et leur résilience », a déclaré M. Ban.
Le rapport du HCR explique en effet que les déplacements forcés sont en hausse depuis le milieu des années 1990 dans la plupart des régions du monde, mais que le rythme s'est accru ces cinq dernières années pour trois raisons principales : les situations provoquant d'importants flux de réfugiés durent plus longtemps (par exemple, les conflits en Somalie ou en Afghanistan durent depuis trois et quatre décennies) ; les nouvelles situations dramatiques ou les reprises de conflits se produisent plus fréquemment (en Syrie, mais aussi, ces cinq dernières années, au Soudan du Sud, au Yémen, au Burundi, en Ukraine, en République centrafricaine, etc.) ; et, enfin, le rythme auquel des solutions sont trouvées pour les réfugiés et les personnes déplacées internes est en baisse depuis la fin de la guerre froide.
« Neuf réfugiés sur dix vivent aujourd'hui dans des pays pauvres et à revenu intermédiaire, à proximité de situations de conflit », a par ailleurs souligné le Secrétaire général, ajoutant que cette Journée est également l'occasion de rendre hommage aux communautés et aux États qui reçoivent et accueillent ces personnes déplacées.
Le rapport du HCR explique que trois pays génèrent plus de la moitié des réfugiés dans le monde : la Syrie (4,9 millions), l'Afghanistan (2,7 millions) et la Somalie (1,1 million). S'agissant du nombre de personnes déplacées internes, la Colombie (6,9 millions), la Syrie (6,6 millions) et l'Iraq (4,4 millions) arrivent en tête, bien que le Yémen ait généré le plus grand nombre de nouveaux déplacés internes en 2015 (2,5 millions, soit 9% de sa population).
Des déplacements de plus en plus dangereux, sur fond de montée de la xénophobie
« L'an dernier, plus de 1 million de réfugiés et de migrants sont arrivés en Europe à travers la Méditerranée, à bord d'embarcations de fortune instables et impossibles à naviguer », a rappelé M. Ban. « Des milliers d'entre eux sont morts pendant la traversée ».
Il a déclaré que ces tragédies en mer illustrent l'échec de la communauté internationale à définir une réponse collective.
« Pas un jour ne passe sans qu'une nouvelle tragédie de réfugiés ne soit annoncée dans les médias, sans qu'on ne voie des enfants, des mères, des pères perdre la vie en tentant désespérément de fuir la violence », a déploré de son côté le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés Filippo Grandi, dans une déclaration de presse rendu publique pour la Journée.
Selon le rapport du HCR, un peu plus de la moitié des réfugiés entreprenant ces traversées périlleuses sont en effet des enfants (51%). L'étude note également qu'un grand nombre d'entre eux sont séparés de leurs parents ou voyagent seuls. En 2015, l'agence de l'ONU pour les réfugiés a notamment enregistré 98.400 demandes d'asile émanant d'enfants qui non accompagnés ou séparés de leur famille.
« Dans ce contexte tragique, des niveaux inquiétants de xénophobie et d'hostilité dans la rhétorique politique sur les questions d'asile et de migration font peser une menace sur les accords internationaux qui protègent les personnes forcées à fuir la guerre ou la persécution », a déploré M. Grandi.
Selon le Haut-Commissaire, cette rhétorique de haine s'est notamment traduite par la paralysie au niveau des politiques publiques et la décision de certain pays de fermer leurs frontières.
« Les organisations humanitaires comme la mienne sont donc contraintes d'en subir les conséquences, tout en faisant leur possible pour sauver des vies humaines avec des budgets limités », a-t-il dit.
Une lueur d'espoir
« Il y a cependant une lueur d'espoir », a déclaré M. Grandi. « Contrairement aux discours incendiaires relayés régulièrement par les médias, nous avons souvent été les témoins d'une immense générosité de la part des communautés d'accueil, de particuliers et de familles qui ont ouvert leurs maisons ».
Faisant écho aux propos du Haut-Commissaire, le Secrétaire général a également noté dans son message que, depuis environ un an, de nombreux pays et régions font preuve d'un « extraordinaire élan de compassion et de solidarité ».
Il a également noté que des États ayant déjà un grand nombre de réfugiés sur leur territoire ont réservé un bon accueil aux nouveaux arrivants.
« Il est urgent de suivre les bons exemples et de les reproduire à plus grande échelle », a-t-il dit, ajoutant que l'action à l'égard des réfugiés doit reposer sur nos valeurs communes de partage des responsabilités et de non-discrimination, ainsi que sur les droits de l'homme et le droit international des réfugiés, y compris le principe de non-refoulement.
A cette fin, M. Ban a mentionné la réunion de haut niveau sur la gestion des déplacements massifs de réfugiés et de migrants, qui se tiendra à son initiative le 19 septembre prochain à l'Assemblée générale des Nations Unies. L'objectif de cette réunion sera de faire en sorte que les Etats membres s'accordent sur un pacte mondial fondé sur la volonté d'agir collectivement et de mieux partager les responsabilités.
« Nous devons faire bloc avec les millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui fuient leur foyer chaque année, pour veiller à ce que leurs droits et leur dignité soient protégés, où qu'ils se trouvent, et placer la solidarité et la compassion au cœur de notre action collective », a dit le chef de l'ONU.