Une bonne gestion de la migration sert les intérêts de tous

28 sep 2016

Une bonne gestion de la migration sert les intérêts de tous

Septembre2016 | Dr. Shamshad Akhtar, Secrétaire général adjoint et Secrétaire exécutif de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP)

En 2015, plus de 98 millions de personnes originaires d‘Asie et du Pacifique vivaient hors de leur pays de naissance, représentant 40 % de l’ensemble des migrants dans le monde. À l'échelle régionale, les migrants jouent un rôle diversifié, dynamique et productif en contribuant aux pays d’origine et d’accueil, en apportant une valeur ajoutée aux secteurs productifs et au bien-être des ménages et en renforçant la balance des paiements.

           Les migrants comblent des pénuries sur le marché du travail et des lacunes en matière de compétences en stimulant la compétitivité et la croissance. La migration est bénéfique aux pays touchés par le vieillissement de leur population en âge de travailler et pourrait aussi jouer un rôle secondaire en apportant une solution à l’explosion du nombre de jeunes dans certains pays de la région. Les premiers pays sont générateurs d’une demande tandis que les deuxièmes pourraient servir de centres dynamiques d’approvisionnement en main-d’œuvre, sous réserve d’un renforcement efficace des compétences.

           En bref, une bonne gestion de la migration sert les intérêts de tous. Et pourtant la migration est souvent perçue négativement, en raison de craintes liées à la répartition inéquitable des coûts et avantages qu’elle génère: les migrants « prennent » les emplois ou sont responsables de la compression des salaires. Cependant, les faits montrent que le tableau est plus nuancé. La migration peut se traduire par une croissance plus élevée du PIB dans les pays de destination, une hausse des salaires des migrants et des retombées positives considérables grâce aux fonds transférés vers les pays d’origine. Le Rapport de 2015 sur les migrations en Asie-Pacifique, établi par la CESAP, confirme qu’en Thaïlande, les migrants contribuent au PIB à hauteur de 6 % environ – ce qui représente entre 6 et 24 milliards de dollars en 2014. En Malaisie, une augmentation moyenne de 10 travailleurs migrants correspond à autres emplois supplémentaires créés pour des Malais. À Singapour, les migrants ont compensé la baisse de la population en âge de travailler et renforcé les finances publiques en contribuant jusqu’à 25 % de l’impôt sur le revenu des personnes.

           Les obstacles n’arrêtent pas les migrants mais ils modifient leur mode de migration, en les transformant en main-d’œuvre irrégulière et informelle, en les rendant vulnérables à l’exploitation et aux abus et en imposant aux travailleurs nationaux un nivellement par le bas des salaires, des conditions de travail et de la protection sociale.

           Un changement s’impose. Si nous reconnaissons les avantages liés à la libéralisation toujours plus grande de la circulation des biens et des capitaux, nous devons aussi reconnaître ceux que la libéralisation de la circulation des personnes nous apporte à tous – migrants et non-migrants.

           Les retombées positives ne sont toutefois pas automatiques. À l’ère du développement durable, nous devons tirer systématiquement parti des effets de la migration sur le développement au moyen de politiques régionales de coopération, dans le cadre desquelles les pays d’origine et les pays de destination s’associent pour garantir la dignité des migrants, démanteler les obstacles à la mobilité, améliorer les bases de compétences et réduire les coûts des transferts de fonds.

           La bonne nouvelle est que ce changement est en cours. Les États Membres de l’Organisation des Nations Unies se sont engagés, dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, à faire en sorte que les migrations « se déroulent en toute régularité, dans la sécurité et en bon ordre ». Cela ne signifie pas que les frontières seront ouvertes à tous, sans considérations de souveraineté ou de sécurité, mais représente plutôt un engagement pris en vue de tirer parti des migrations et de la mobilité comme élément normal et utile de l’économie mondiale du XXIe siècle.

           Nombreux sont les pays d’Asie et du Pacifique qui nous montrent déjà la voie à suivre. La création de la Communauté économique de l’ASEAN permet de libéraliser la circulation des prestataires de services qualifiés, processus qui, je l’espère, sera élargi à d’autres catégories de travailleurs. L’Union économique eurasienne a également pris des mesures positives pour que les migrants puissent se déplacer librement et en toute sécurité, et concourir équitablement dans tous les pays de la région.

           Outre ces mesures d’ordre politique, cependant, il nous faut aussi changer le discours actuel sur la migration. Nous devrions nous élever contre les perceptions négatives et fausses afin de promouvoir les droits des migrants et créer l’espace politique nécessaire pour prendre des mesures destinées à améliorer leur protection et leur productivité. La migration n’est pas un problème et les migrants ne sont pas nos ennemis. Si nous les traitons comme tels, nous ne réussirons qu’à nous empêcher d’agir et nous trahirons nos propres valeurs.

                Alors, avançons tous ensemble pour élaborer un pacte mondial sur la migration qui nous permette de mettre en œuvre le Programme 2030, de tenir nos promesses et de garantir la protection de tous, migrants et non-migrants, et, ce qui est peut-être plus important encore, reconnaître la valeur et la richesse des migrations et des migrants sur les plans social et économique.